Ces dernières années, le marché de la sous-traitance applicative connait un rythme de croissance soutenu et devrait atteindre 108,7 milliards de dollars en 2021 (source Statista).
Le choix du sous-traitant de développement ou de maintenance applicative est l’étape la plus importante dans tout le processus d’outsourcing. Il constitue un élément clé de la réussite du projet.
Une question se pose à cette étape critique : quelle méthode adopter pour comparer de manière objective les offres des sous-traitants ?
Sommaire
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- Les difficultés de la sous-traitance
- Les devis forlaitaires basés sur un nombre de jours
- Les devis basés sur les abaques « maison »
- Les devis plutôt basés sur le volume livré
- Les unités de mesure logicielle
- Les indicateur de performance à évaluer
- Les bénéfices d’une relation reposant sur le volume livré
- Quelle métode de chiffrage choisir pour comparer les sous-traitants ?
- Les défis d’une méthode reposant sur le volume
1. Les difficultés de la sous-traitance
Voici quelques témoignages de nos clients détaillant certaines des difficultés à résoudre :
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- « Le sous-traitant a un turn-over élevé. Les développeurs débutants se forment sur nos projets puis s’en vont. Le taux journalier est bas, mais l’efficacité n’est pas là !»
- « Malheureusement à cause de taux journaliers élevés certains sous-traitants ne sont pas sélectionnés, et ce malgré la qualité de la prestation et les développeurs expérimentés dont ils disposent. »
- « Certains de nos sous-traitants font de la chasse à l’avenant pour remonter leurs marges. Ils ont obtenu le contrat avec un taux journalier agressif. »
Le point commun entre ces situations, c’est que lorsque le client négocie le contrat en fonction du taux journalier, cela ne garantit en aucun cas l’efficacité du sous-traitant.
Le taux journalier est donc un critère insuffisant pour sélectionner le meilleur sous-traitant.
2. Les devis forfaitaires basés sur un nombre de jours
Selon les statistiques, environ 90 % des devis des sous-traitants sont construits en fonction du nombre de jours hommes estimé. En fait, les sous-traitants établissent l’estimation du coût du projet selon les personnes disponibles affectées et les outils et méthodes utilisés. Leurs devis sont au forfait établi en jours-hommes. Cette méthode de chiffrage ne permet pas de savoir si le prix négocié est bon ou mauvais. Il est impossible de s’assurer que les différents avenants seront réalisés sur la même base tarifaire, autrement dit, il est impossible de contrôler la productivité du sous-traitant.
L’idée est de faire une mesure de productivité pour vérifier qu’elle est stable dans le temps. Mais si cette mesure n’est pas prévue dans le contrat, elle ne pourra être utilisée qu’à titre indicatif, et ne pourra être un élément partagé du contrôle du prix des travaux
3. Les devis basés sur les abaques « maison »
Une autre approche utilisée par les sous-traitants est l’adoption d’un abaque reposant sur des unités d’œuvre généralement techniques, abaque établi par les sous-traitants avec leurs différentes expériences. Ces abaques « maison » sont généralement « inconnus » pour l’acheteur et difficiles à challenger et à vérifier.
C’est un peu comme si vous souhaitiez vérifier le devis de votre garagiste alors que vous ne connaissez rien dans les pièces détachées et le temps de mains d’œuvre associés.
4. Les devis plutôt basés sur le volume livré
Une des solutions est d’adopter une approche reposant sur le volume ou la quantité de fonctionnalités livrées.
Similairement à un projet de construction d’un bâtiment, le client peut contrôler le nombre d’étages livrés, le nombre d’appartements livrés et le nombre de pièces dans chaque appartement. Ou encore les fonctions « salle de bain » ou « cuisine » dont les équipements sont facilement compréhensibles et vérifiables.
Les devis basés sur le volume permettent aussi de contrôler l’impact des changements sur le projet, c’est-à-dire combien va couter une modification de fonctionnalité et quelle économie représente la suppression d’une fonctionnalité.
En fait, connaitre le prix d’une unité de volume permet de contrôler le prix d’une demande d’ajout, de modification ou de suppression d’un nombre d’unités de volume fonctionnel déterminé. Ceci n’est pas possible sur un devis reposant sur le prix.
Pour mieux illustrer cet avantage, prenons l’exemple d’un contrat avec un carreleur, si le devis est basé sur un prix par m2 et que le client décide de ne plus carreler une pièce, il peut facilement calculer le montant à déduire.
Les devis reposant sur le volume présentent un autre avantage, cela permet d’avoir une idée de la productivité, de valider si elle est conforme au marché (si spécifiée au contrat) et surtout de comparer les sous-traitants.
Et, enfin, ce principe améliore transparence de la relation client/sous-traitants.
5. Les unités de mesure logicielle
« Vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne pouvez pas mesurer. »
Dans presque tous les domaines, les transactions sont effectuées sur la base d’unités de mesure comme le kilogramme, le mètre et le litre. Ainsi, pour chaque produit et chaque sous-traitant, il y a un prix par unité.
Mais en développement logiciel, la mesure du « volume/taille/poids » est rarement utilisée ; nombreuses sont les entreprises qui achètent des jour-hommes. Cela revient à payer son plein d’essence en fonction du temps que met le pompiste pour remplir le réservoir. Aberrant non ?
La taille logicielle peut être mesurée par différentes métriques qui peuvent être classées en deux catégories :
- les métriques techniques, telles que le nombre de ligne de code, qui dépendent des technologies utilisées,
- les métriques fonctionnelles, telles que les points de fonctions, qui mesurent les fonctionnalités du point de vue de l’utilisateur et indépendamment de la technologie, des personnes, etc.
Les Points de Fonction
Les Points de Fonction (PF) existent depuis plus de 40 ans et certaines méthodes de mesure ont été normalisées ISO, comme c’est le cas pour IFPUG et COSMIC.
Ils ont été adoptés par des milliers d’entreprises dans le monde, mais nécessitent une expertise pour apprendre à les compter.
Les Points de Fonction sont l’équivalent des « abaques maisons » que tentent de définir beaucoup d’entreprises. La différence réside dans le fait que les méthodes Points de Fonction sont mondialement utilisées, documentées, testées, approuvées, partageables et très fortement corrélées à l’effort, ce qui est finalement la caractéristique la plus importante.
Nous déconseillons donc aux entreprises de créer leur propre abaque ou d’utiliser des unités d’œuvre techniques alors que les points de fonction IFPUG ou COSMIC permettent une mesure fonctionnelle, solide, interprétable et surtout normalisée. Comme l’a dit Masaaki Imai, l’un des grands théoriciens de l’organisation connu pour son travail sur la
gestion de la qualité, en particulier sur Kaizen : « là où il n’y a pas de standard, il ne peut y avoir d’amélioration. Pour cette raison, les standards sont la base de la maintenance et de l’amélioration. »
Autrement dit : « pas de mesure, pas de progrès ».
6. Indicateurs de performance évalués grâce aux PF
L’utilisation de la mesure de PF dans les réponses aux appels d’offres ou dans la contractualisation présente de nombreux avantages et elle permet de calculer différents indicateurs de performance (KPI -Key Performance Indicator).
Le tableau ci-dessous liste les KPI par catégorie avec quelques exemples. Grâce aux Points de fonction, ces KPI peuvent être évalués d’une manière normalisée, chose qui n’est pas généralement possible avec les autres unités d’œuvre techniques comme le nombre de lignes de code (SLOC).
L’approche normalisée permet de comparer les organisations entre elles.
Indicateur | Aspect mesuré | Formule | Exemple |
Productivité |
Efficacité du développement Productivité Vitesse de livraison |
Coût par PF Effort par Pers et par PF PF par mois |
400 €/PF 3 jh/PF 14 PF/mois |
Qualité |
Densité des anomalies. Effort de tests. Le nombre de pages de documentation |
Nb défauts/PF Nb de jh de test/PF Nb de pages/PF |
0,6 défauts/PF 0,5 jh/FP 1 à 2 pages/PF |
Coût |
Coût par FP : Permet de comparer les sous-traitants. Patrimoine applicatif |
Coût total / total PF Nb total des PF de l’organisation |
STT1 = 2 k€/PF STT2 = 2,1 k€/PF 16 500 PF |
Maintenance |
Fiabilité Charge de travail de Support |
Nb pannes de production par an/ nbre de PF Nbre de ETP Support/Nb de PF |
5 pannes /1000 PF 3 ETP/1000 PF |
Les KPI permettent d’améliorer la stratégie de sous-traitance, ils peuvent être évalués par application, par sous-traitant ou par technologie. Ils permettent de sélectionner le meilleur sous-traitant pour une technologie ou une application donnée.
7. Les bénéfices d’une relation reposant sur le volume livré
Mis à part la résolution des difficultés évoquées dans le paragraphe « les difficultés de la sous-traitance », une relation reposant sur le volume livré présente plus d’avantages qu’une relation reposant que le taux journalier.
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L’amélioration de la productivité :
Lorsque vous mesurez une performance, la performance s’améliore rapidement presque systématiquement. Autrement dit, si vous mesurez la productivité d’une équipe, elle va s’améliorer assez rapidement. Attention néanmoins à ne pas avoir une approche punitive de la mesure qui pourrait au contraire avoir l’effet de dégrader la productivité.
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L’objectivité par rapport aux contrats basés sur le temps passé
En vous appuyant sur la mesure du volume livré vous pourrez objectiver le travail. Cependant, la mesure du volume en soi ne suffit pas. À titre d’exemple, si l’on mesure le volume livré sur un sprint et qu’on observe que le volume est 30 % moindre que le sprint précédent, cela ne veut pas dire que l’équipe à moins bien travaillé. Elle a peut-être dû corriger des bugs du sprint précédent. Autrement dit, le nombre de fonctionnalités livrées a baissé, mais le travail de correction d’anomalie, qui n’est pas mesuré par les Points de Fonction, s’est accru.
Les Points de Fonction ne résolvent pas tout car il ne prennent pas tout en compte, de même que le kilo. Un kilo de tomate en mauvais état, n’est pas équivalent à un kilo de tomate en bon état.
Il est donc nécessaire de croiser les indicateurs.
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La transparence dans le processus de négociation :
Si vous lancer un appel d’offres en vous appuyant sur les Points de Fonctions, alors vous pourrez comparer de manière objective les offres, et ce à différents niveaux.
Il suffit de regarder les indicateurs de performances évoqués plus haut pour s’en convaincre.
Cependant, il est important de voir le Points de Fonction comme un outil et non pas comme une finalité. La finalité est que la relation soit sereine, profitable aux parties, et s’inscrive dans la durée. Chaque projet applicatif est une nouvelle histoire, avec des situations différentes, qui font que nous sommes davantage dans l’humain que dans le
pilotage automatisé. Le chef de projet a besoin de données objectives pour prendre des décisions, et les Points de Fonction peuvent lui en apporter. Mais il est le seul à connaitre toutes les situations qui ne se résument généralement pas à une mesure.
8. Quelle méthode de chiffrage choisir pour comparer les sous-traitants ?
Type de Chiffrage | Vérification Devis | Vérification Avenant |
Forfaitaire en j.h | Pas de possibilité. | Vérification du maintien de la productivité en utilisant un abaque normalisé ISO |
Abaque maison d’Unité d’Œuvre |
Vérification de la taille après apprentissage de l’abaque. Détermination du coef de productivité. |
Vérification de la taille. Vérification du maintien de la productivité. |
Abaque Normalisé ISO Unité d’Œuvre (IFPUG, COSMIC) |
Vérification de la taille. Vérification du coef de productivité. |
Vérification de la taille.
Vérification du maintien de la productivité et de sa correspondance avec celle du marché |
9. Les défis d’une relation reposant sur le volume
Une relation reposant sur le volume ou la taille logicielle présente aussi d’important défis ; en voici quelques-uns :
Construire une relation équilibrée
Le devis et le contrat doivent concilier performance et satisfaction. Ils doivent être établis au moins autant dans l’intérêt des sous-traitants que dans celui de l’entreprise acheteuse. L’équilibre de la relation sous-traitant/client doit être assuré via une productivité gagnant-gagnant, c’est-à-dire, une productivité dans la norme qui garantit le respect du cahier des charges du client et aussi des bénéfices pour le sous-traitant.
Adopter un bon modèle de coût
Pour passer du volume logiciel à la charge et au coût des travaux du projet, un modèle de coût doit être utilisé. Un bon modèle de coût est un modèle qui assure une bonne corrélation entre l’effort et les paramètres d’entrée tels que la taille logicielle. Il doit être construit à partir d’analyses statistiques solides et de techniques de modélisation fiables. Il doit être, par conséquent, un modèle qui induit de faibles variations, c’est-à-dire des résultats avec un niveau d’incertitude acceptable.
Améliorer la rédaction des exigences
Il est très important que les exigences du client soient compréhensibles, bien définies, claires et sans ambiguïté pour pouvoir mesurer efficacement la taille logicielle. Des exigences mal exprimées par le client peuvent conduire à des coûts sous ou surestimés et générer des conflits entre le client et le sous-traitant.
Capitaliser sur l’expérience dans la mesure logicielle
Que ce soit pour le sous-traitant ou pour l’acheteur, la mesure de la taille d’un projet logiciel est un processus auquel on doit accorder une grande importance. Il faut former son personnel aux méthodes de mesure standard comme l’IFPUG et COSMIC, documenter ses mesures de projets et capitaliser sur l’expérience dans la mesure logicielle afin d’instaurer des bonnes pratiques de l’estimation de projets logiciels.
Conclusion
« Le moins cher n’est jamais synonyme du mieux » ; le taux journalier est souvent trompeur et ne reflète pas la qualité de la prestation ni la performance du sous-traitant. Il est important d’adopter une approche reposant sur la quantité logicielle livrée afin de comparer les sous-traitants et de suivre le projet.
Procéder à l’évaluation de la performance de ses sous-traitants à travers des indicateurs de performance solides permet de faire un choix réfléchi à partir d’éléments tangibles. Ceci n’est possible qu’en utilisant une méthode de mesure logicielle normalisée.
Les mesures post-projets, ou bilans de projets, sont très utiles pour comparer les attentes et le travail réalisé et évaluer les performances des sous-traitants.